Cette déclaration à plusieurs objectifs.
Le premier objectif : faire une nouvelle fois ce que le Collectif éducation sans frontières a fait depuis deux ans, soit porter à l’attention de la population la réalité injuste des sans-papiers exclus de l’éducation publique et trop souvent des écoles elles-mêmes en raison des exigences administratives imposées par l’État québécois. De tous les États nord-américains où de grandes régions métropolitaines comptent un nombre important de migrant.e.s placé.e.s de force dans l’hyper-vulnérabilité sociale et humaine par des systèmes d’immigration et d’asile de plus en plus inhospitaliers et violents, c’est le Québec qui met le plus d’obstacles sur le chemin de l’école et de la scolarisation gratuite des sans-papiers qui vivent parmi nous. Actuellement, seuls les résident.e.s légaux et certaines catégories d’immigrant.e.s ont droit au service gratuit de l’éducation préscolaire et aux services d’enseignement primaire et secondaire. Les autres élèves ne peuvent pas être inscrit.e.s ou seulement à condition de payer des frais annuels de 5000-6000 $, des sommes que les familles sont souvent incapables de payer. Cette réalité n’aura de cesse d’augmenter tant que l’égalité ne sera pas codifiée comme telle, tant que le droit à l’éducation ne sera pas formalisée comme un droit pour tou.te.s, peu importe son statut migratoire.
Négligeant la situation de centaines, voire de milliers d’enfants et d’adolescent.s sans-papiers, Le Ministère de l’Éducation et le gouvernement du Québec refusent de prendre les décisions qui s’imposent et laissent en toute connaissance de cause se perpétuer une discrimination systémique, une injustice intolérable qui montre leur insensibilité à l’égard de la dignité des familles immigrantes.
Le deuxième objectif : faire une nouvelle fois ce que le Collectif éducation sans frontières a aussi fait depuis deux ans, soit exiger que le ministère de l’Éducation modifie La Loi sur l’instruction publique au Québec afin que le « droit à l’éducation » soit une réalité qui se vérifie partout dans la société, y compris chez les sans-papiers, qui comptent parmi les membres de nos sociétés qui, en plus de faire face au racisme et à la xénophobie, comptent parmi les plus vulnérables, les plus précaires et les plus stigmatisées.
Depuis 2012, nous avons fait pression sur le gouvernement et plus spécifiquement le ministère de l’Éducation qui a reconnu en juin 2013 qu’il était du devoir et de la responsabilité de la ministre « d’agir rapidement pour que, dès la prochaine rentrée, ces enfants soient dans des salles de classe ». Nous avons dénoncé les quelques mesures annoncées à l’été 2013 par le ministère, des mesures qui, d’un côté, exemptent quelques nouvelles « catégories d’élèves » de toute contribution financière, mais qui, d’un autre côté, exigent plus explicitement qu’avant que les commissions facturent l’inscription de chaque enfant sans papier. Le jour où nous occupions les bureaux de Marie Malavoy, le 10 décembre dernier, le ministère a déclaré publiquement que « des solutions [avaient] été trouvées […] dans toutes les situations problématiques portées à l’attention du Ministère », alors qu’il existe toujours, en vertu même de la loi et sans que le ministère ne s’en occupe, des gens qui n’ont pas accès à l’éducation gratuite, principalement parce qu’on exige toujours des documents qu’ils sont incapables de fournir, notamment sur leur statut migratoire, et des frais d’inscription exorbitants. Du reste, ces personnes sont appelées à dévoiler leur condition extrêmement précaire dans l’espoir d’un traitement favorable, au cas par cas, par leurs écoles, leurs commissions et le ministère. Des cas d’enfants et d’adolescent.e.s exclu.e.s ou facturé.e.s de plusieurs milliers de dollars par année continuent d’être portés à l’attention du CESF. La loi doit être modifiée afin qu’il soit possible de simplement fournir des preuves de domicile pour avoir accès à l’éducation publique gratuite, comme c’est le cas dans plusieurs pays.
Depuis l’élection du Parti libéral en avril dernier, nous avons sommé tous les députés d’endosser notre revendication exigeant de détacher purement et simplement l’accès à l’éducation et le statut d’immigration. Nous avons de plus interpellé la ministre de l’Immigration et demander de rencontrer le ministre Bolduc. Aucune réponse ne nous a été donnée.
Il est maintenant temps de nous manifester avec plus de vigueur.
Enfin, et par voie de conséquence, il y a un troisième objectif à cette déclaration et conférence de presse à la veille d’une nouvelle rentrée où encore une fois des enfants, des adolescent.e.s et de jeunes adultes ne prendront pas le chemin des écoles ou le feront dans l’insécurité : lancer un appel large aux acteurs sociaux, organisations ou individus — migrant-e-s ou non, évoluant ou non dans le monde de l’éducation, œuvrant ou non auprès des migrant-e-s, fréquentant ou non des sans-papiers — et les inviter à augmenter la pression pour faire plier les décideurs et à multiplier les actions, concertées ou autonomes, y compris les actions de perturbation.
La lutte pour un accès véritablement universel à l’éducation ne doit plus être ignorée.
La lutte pour un accès véritablement universel à l’éducation n’appartient pas au Collectif éducation sans frontières, mais à tou.te.s ceux et celles qui sont indigné.e.s par le scandale de l’injustice et par le scandale de l’inaction de ceux et celles qui détiennent une part de pouvoir, petite ou grande, dans les affaires publiques.
La situation doit changer avant que l’année scolaire ne soit trop avancée.
Les murs des écoles doivent cesser d’être des frontières semblables aux frontières avec lesquelles les États excluent des êtres humains venus d’ailleurs.