Montréal, le 27 février 2015
Monsieur le Ministre François Blais,
Au Québec, l’école est un droit pour toutes et tous, sauf pour les sans-papiers. Plusieurs milliers d’enfants et d’adolescent-e-s sont aujourd’hui privés d’accès à l’éducation publique parce qu’ils n’ont pas de statut d’immigration. Des frais d’inscription annuels de 5 000 à près de 7 000 dollars sont exigés pour ces enfants qui appartiennent déjà aux catégories les plus défavorisées de la société. Le paiement de frais exorbitants comme condition d’accès aux écoles empêche ces enfants de jouir du droit à l’instruction publique.
La situation est d’autant plus scandaleuse qu’elle est le fait d’un règlement associé à la Loi sur l’instruction publique (annexe à la loi) qui exige une résidence légale pour avoir droit à l’école gratuite. Cette injustice est dénoncée depuis plusieurs années. Dans la situation actuelle, les membres des commissions scolaires et du Ministère de l’Éducation vérifient le statut d’immigration pour voir si ces enfants ont droit à la gratuité scolaire ou doivent payer les frais. Cela outrepasse les exigences réglementaires d’identification requises pour l’inscription à l’école, comme l’a montré récemment le rapport de la Protectrice du citoyen et de la citoyenne (7 novembre 2014).
Face à ce scandale, malheureusement rien ne bouge. Le précédent ministre a transmis son plan d’action à la Protectrice du citoyen et de la citoyenne à la fin janvier, mais ne souhaite pas le rendre public. Nous déplorons cette situation de statu quo, car des enfants sont toujours exclus du droit fondamental à l’éducation au Québec. La situation est urgente. Nous avons connaissance d’enfants qui ne sont toujours pas scolarisés aujourd’hui en raison des démarches compliquées pour l’inscription et des frais exigés.
Cette situation contraste avec celle qui prévaut dans les autres provinces canadiennes (Ontario, Colombie-Britannique), ainsi qu’aux États-Unis et dans la plupart des pays d’Europe où tous les enfants, quel que soit leur statut, peuvent accéder gratuitement à l’école publique. Cette exception québécoise est honteuse, car elle ne respecte pas les nombreux instruments de protection des droits humains (dont certains sont ratifiés par le Canada et d’autres par le Québec) qui protègent le droit à l’éducation gratuite pour tous les enfants : la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 26), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 13), la Convention relative aux droits de l’enfant (article 28) et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (troisième section).
Du reste, l’inscription et la fréquentation des écoles continuent de représenter un degré élevé de risque dans plusieurs cas puisqu’aucune politique de confidentialité n’assure aux familles que les informations que possèdent les écoles sur leur statut migratoire ne seront pas transmises à d’autres instances dont Immigration Canada ou l’Agence canadienne des services frontaliers. Les membres du personnel d’un établissement scolaire peuvent à tout moment pousser plus loin les applications d’un système déjà discriminant et inégalitaire et s’improviser agent-e-s d’immigration doté-e-s d’un pouvoir considérable sur des personnes, à commencer par le pouvoir de briser des vies.
Nous vous rappelons nos revendications :
- que le règlement associé à la Loi sur l’instruction publique (annexe à la loi) soit immédiatement modifié afin que les enfants et adolescent-e-s n’aient plus besoin d’une résidence légale pour accéder à l’école gratuitement ;
- que tous les frais de scolarité demandés aux familles soient annulés ;
- que chaque enfant inscrit se voit automatiquement attribuer un code permanent
qui reconnaisse son parcours scolaire ; - qu’une politique de confidentialité soit mise en place, stipulant qu’aucune
information sur le statut ne sera demandée et, s’il advenait qu’une école en
possède, qu’aucune information ne sera communiquée aux autorités ; - enfin qu’une campagne d’information publique multilingue soit mise en place
pour faire connaître aux personnes touchées ce à quoi elles ont enfin droit et
fournir aux commissions scolaires et aux écoles des directives complètes en
conformité avec ces diverses modifications.
En l’attente d’une réponse de votre part concernant les mesures que vous allez prendre
pour résoudre ce problème urgent, veuillez recevoir nos salutations les meilleures,
Collectif Education sans frontières